Musée canadien des civilisations           Canadian Museum of Civilization

COMMUNIQUÉ                                                      Pour diffusion immédiate

 

Des portraits évocateurs de l'un des premiers
photographes sino-canadiens
Hull (Québec), le 31 janvier 2002 - L'exposition Le premier fils - Portraits de C. D. Hoy, qui sera inaugurée le 1er février 2002 au Musée canadien des civilisations, présente 81 portraits en noir et blanc du photographe sino-canadien, Chow Dong Hoy. Produite par la Presentation House Gallery de Vancouver, Le premier fils propose aux visiteurs un regard unique sur la vie du début du XXe siècle dans l'intérieur de la Colombie-Britannique.

Organisée par Faith Moosang, récente lauréate d'un prix d'excellence en recherche de l'Association des musées canadiens, Le premier fils célèbre l'indomptable volonté et l'esprit d'aventure d'un homme. Décidé à soulager la pauvreté et la souffrance de sa famille toujours en Chine, Chow Dong Hoy n'est qu'un adolescent lorsqu'il arrive en Colombie-Britannique en 1902. Après avoir exercé divers métiers - employé de maison, cuisinier, arpenteur, mineur et barbier, C. D. Hoy adopte la photographie. Il fait d'abord des photos de travailleurs chinois que ces derniers envoient comme souvenirs à leurs familles en Chine. Sa réputation grandissant, il entreprend de photographier les Porteurs et les Chilcotins, peuples autochtones de la région, ainsi que les habitants de la région d'origine européenne.

" C'est avec grand plaisir que nous présentons cette excellente exposition - et les merveilleux documents visuels de C. D. Hoy - à nos visiteurs ", de dire M. Victor Rabinotich, président-directeur général de la Société du Musée canadien des civilisations. " Contrairement à certains photographes anthropologues et à ceux qui ont tendance à idéaliser les peuples autochtones et stéréotyper les immigrants, C. D. Hoy présente ses sujets comme de vrais individus vivant dans le rude intérieur de la Colombie-Britannique. Le Musée estime qu'il importe de présenter des expositions aussi remarquables en provenance de différentes régions du pays. "

C. D. Hoy, qui a réalisé plus de 1500 photographies de 1909 à 1920, a ainsi créé de précieuses archives de la riche diversité culturelle du district de Cariboo. En illustrant la pérennité des peuples autochtones de la région et la dignité et la fierté des travailleurs chinois et des autres habitants,


C. D. Hoy nous a laissé un témoignage émouvant d'un monde à jamais disparu.

Organisée par Faith Moosang, l'exposition Le premier fils - Portraits de C. D. Hoy, est produite et mise en tournée par la Presentation House Gallery de Vancouver. Elle sera présentée à la salle B des Expositions spéciales au Musée canadien des civilisations jusqu'au 3 septembre 2002.

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     Renseignements (médias) :

  • Marilou Prud’homme    
  • Relationniste auprès des médias
  • Musée canadien des civilisations   
  • Tél. : (819) 776-7169          
  • Téléc. : (819) 776-7187
  • marilou.prudhomme@museedelhistoire.ca
  • Rachael Duplisea
  • Relationniste principale auprès des médias
  • Musée canadien des civilisations
  • Tél. : (819) 776-7167  
  • Téléc. : (819) 776-7187
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Notice biographique de C. D. Hoy

Sa jeunesse

Chow Dong Hoy est né dans la province chinoise du Guangdong en 1883 - deuxième enfant et premier fils d'une famille extrêmement pauvre. Malgré son maigre revenu, la famille accorde beaucoup de valeur à l'éducation et envoie C. D. Hoy à l'école à l'âge de huit ans. Toutefois, trois ans plus tard, la famille constate qu'elle n'a plus les moyens de payer son éducation. Comme fils premier né, il doit maintenant travailler pour aider à soutenir la famille.

C. D. Hoy trouve son premier emploi dans une fumerie d'opium, puis il fait un apprentissage de trois ans dans une manufacture de coton et de soie à 650 kilomètres de chez lui où il gagne deux dollars par an avec pension. Puisque la Chine n'offre aucun vrai débouché et qu'on peut faire fortune au Canada selon les rumeurs, il est décidé que C. D. Hoy tentera sa chance à l'étranger. Son père emprunte 300 $ et, vers la fin de 1902, C. D. Hoy s'embarque pour le Canada à bord de l'Empress of China.

Contrairement à la plupart des immigrants chinois, C. D. Hoy arrive au Canada sans perspectives d'emploi ou de parents pour lui ouvrir la voie. Heureusement, un marchand de son village natal l'invite à rester chez lui. Avec l'argent qui lui reste, C. D. Hoy paie la taxe d'entrée de 100 $ exigée de tous les immigrants chinois et s'installe à Vancouver où le marchand lui trouve du travail comme employé de maison de deux femmes d'origine européenne.

Comprenant l'importance d'apprendre l'anglais, C. D. Hoy utilise son salaire mensuel de cinq dollars pour recruter les services d'un précepteur. En 1903, maintenant plus à l'aise dans sa nouvelle patrie, C. D. Hoy emprunte 20 $ d'un ami et part pour le champ aurifère du district de Cariboo. Lorsqu'il arrive à la ville de Quesnel, il est presque de nouveau sans le sou, mais il trouve rapidement du travail comme laveur de vaisselle à l'hôtel où il gagne 15 $ par mois avec pension. Pour la première fois, il peut économiser et, plus important encore, il peut envoyer de l'argent à sa famille en Chine.

Après un an et demi à Quesnel, C. D. Hoy s'installe à 650 kilomètres plus au nord à Fort St. James où il travaille comme cuisinier de camp pour la Compagnie de la Baie d'Hudson au salaire mensuel de 30 $. Ayant décidé de se lancer en affaires, il apprend les rudiments du dialecte des Porteurs du Centre (un groupe autochtone) et il lance son propre commerce. Après cette entreprise, il ira travailler comme trieur-fendeur, cuisinier et arpenteur pour le Grand Trunk Pacific Railway. C'est durant cette période, probablement en 1907, qu'il apprend le décès de son père bien-aimé. Que son père n'ait pas vécu pour voir son succès ultérieur sera l'un de ses grands regrets.

C. D. Hoy, le photographe

En 1909, C. D. Hoy se trouve à Barkerville, une ville d'exploitation aurifère où, malgré la fin de la ruée vers l'or, il est toujours possible d'en trouver. Malheureusement, l'or est gelé dans le sol jusqu'au mois de mai et le travail se fait rare avant le dégel du printemps. Pour arrondir ses fins de mois, C. D. Hoy répare bientôt des montres et se fait barbier. C'est à cette époque qu'il achète un appareil photo et qu'il étudie la photographie. Rapidement, il prend des photos pour les travailleurs chinois locaux qui les envoient à leurs familles en Chine.

Personne ne sait vraiment quel type d'appareil photo C. D. Hoy utilisait pour son travail. Si l'appareil photo pliant modèle A de Kodak est sans doute le plus susceptible de lui avoir appartenu, on trouve aussi dans ses archives des négatifs de grandeurs et de genres divers, y compris quelques plaques de verre. À l'époque, un ouvrier chinois moyen pouvait difficilement s'acheter l'un ou l'autre des appareils photo sur le marché et on ne sait comment C. D. Hoy a pu s'offrir l'équipement dont il s'est servi.

Ses documents photographiques sont remarquables. Contrairement aux photographes qui cherchent à idéaliser les groupes autochtones ou les anthropologues qui documentent les " types " ethniques, C. D. Hoy rend simplement service à toute personne qui désire se faire photographier. Si la majorité de ses premiers clients sont des travailleurs chinois, il photographie bientôt les Porteurs et les Chilcotins du pays (groupes autochtones) ainsi que les habitants d'origine européenne de la région.

Vers la fin de 1909, C. D. Hoy retourne à Quesnel où il travaille à l'hôtel Cariboo jusqu'au mois de février 1910. À cette date, il a économisé les 2000 $ dont il a besoin pour se rendre en Chine afin d'épouser Lim Foon Hai, la femme que lui a choisie sa mère. Malheureusement, il n'a pas les moyens de payer le voyage de sa nouvelle épouse au Canada et ils devront attendre six longues années avant d'être réunis.

De retour seul en Colombie-Britannique en 1911, C. D. Hoy travaille comme ouvrier agricole et cuisinier près de Quesnel. En 1912, il retourne à la ville et occupe plusieurs emplois jusqu'à la fin de l'année, moment où il achète la maison en rondins, la grange et les dépendances d'un propriétaire de ranch chinois qui retourne au pays natal. C. D. Hoy devient alors marchand, ainsi que le premier photographe professionnel de la ville. Ses affaires l'amènent fréquemment à Barkerville où il continue à photographier les groupes autochtones de la région, les Chinois et les autres habitants, notamment les mineurs, les fermiers, les propriétaires de ranchs, les travailleurs et leurs familles. Toutefois, il travaille surtout à sa mercerie de Quesnel où il réalise plus de 1500 photographies de 1911 à 1920.

En 1917, il se rend en Chine pour enfin revenir avec son épouse au Canada. Ils élèveront 12 enfants, dont les neuf premiers sont des filles. Les familles nombreuses sont courantes à l'époque, particulièrement chez les fermiers qui ont besoin de bras supplémentaires, et toutes ses filles seront connues pour leur force, leur indépendance et leur belle allure.

Son magasin familial devient alors un lieu de rencontre populaire. Toujours conscient des gentillesses qu'on lui avait faites dans son nouveau pays, C. D. Hoy fait crédit à toute personne dans le besoin. Il agrandit les édifices achetés en 1912 et, en 1934, la maison familiale devient la première maison en stuc de Quesnel. Cette maison existe toujours et on la reconnaît par le nom Hoy tracé par des pierres de marbre blanc dans le trottoir. Ses autres affaires prennent aussi de l'essor au fil des ans et elles comprennent la Wells Light and Power Company et le Lode Theatre de Wells. C. D. Hoy demeurera l'un des principaux marchands d'or de Quesnel jusqu'à sa mort en 1973.

Originaire d'une famille chinoise extrêmement pauvre, C. D. Hoy a tout de même réussi à mener une belle vie avec sa famille. Utilisant ses premiers gains pour apprendre l'anglais, il a saisi les possibilités qui se présentaient et il est devenu l'un des citoyens les plus prospères de sa ville. Mieux, comme l'un des rares praticiens de la photographie naissante en Colombie-Britannique, C. D. Hoy a su capter les gens ordinaires de toutes origines ethniques qui vivaient dans le rude intérieur de la province et nous laisser les précieuses archives d'un monde à jamais disparu.

Texte de Faith Moosang, conservatrice de l'exposition Le premier fils - Portraits de C.D. Hoy,
dit à la conférence de presse, le 31 janvier 2002, au Musée canadien des civilisations

Bonsoir à tous et à toutes, et merci d'être des nôtres aujourd'hui. C'est un très grand honneur pour moi d'être ici et, si on m'avait dit que ma première incursion dans l'organisation d'une exposition de photographies m'amènerait en ces murs, je ne l'aurais pas cru. En fait, ce qui nous réunit aujourd'hui témoigne de l'à-propos de ma découverte des photos de Hoy et de l'actualité de son travail.

Mon aventure avec monsieur Hoy commence à l'été 1996. Je visite alors un ami à Wells en Colombie-Britannique, une petite ville qui a connu la ruée vers l'or des années 1930 dans cette région géographique appelée le district de Cariboo. Wells voisine Barkerville, une ville de la ruée vers l'or des années 1860. Comme vous le savez peut-être, on a entrepris en 1958 la restauration de Barkerville et, aujourd'hui, c'est une destination touristique importante de la province. J'apprends alors qu'il faut deux jours pour voir tous les attraits de la ville. Fraîchement diplômée en photographie de l'Institut Emily Carr d'art et de design de Vancouver, je veux tout simplement savoir si cette ville historique possède des témoignages photographiques des activités de ses citoyens ou si elle a des archives ou une bibliothèque. C'est le cas et je me rends donc rencontrer le conservateur qui m'installe dans la bibliothèque et commence à placer devant moi d'immenses albums photographiques. Je suis tellement ravie que je ne prête qu'une vague attention au conservateur pendant que je tourne les pages. Heureusement, je sors de mon extase juste assez longtemps pour l'entendre dire des choses comme " C. D. Hoy " et " photographe chinois du début du siècle. " Et c'est ainsi que je fais connaissance avec l'œuvre fabuleuse de Hoy. Le conservateur, monsieur Quackenbush, me montre des photocopies de troisième main (des photocopies de photocopies de photocopies) des images de Hoy et, malgré leur éloignement des images originales, elles me coupent le souffle. Car, devant moi, surgissent des centaines d'hommes chinois, des femmes des Premières Nations, des enfants, des familles, des couples et des individus de race blanche, tous anonymes - tous merveilleusement représentés par ce photographe alors inconnu. Ce qui me frappe et me rend bouche bée quand je vois ces images, c'est la dignité et le silence des modèles et le magnifique rendu de Hoy. Si vous connaissez le domaine de la photographie historique qui documente les Premiers Peuples ou la présence des gens d'origine chinoise au pays, vous savez qu'il pullule d'images accentuant l'exotisme d'individus anonymes ou les réduisant à ce qu'on peut appeler des " stéréotypes ". Hoy ne fait ni l'un ni l'autre. Au premier regard, on sent dans ses photos l'honnêteté et le respect. Je demande alors à monsieur Quackenbush si on a fait des recherches sur ces images et sur l'homme lui-même et il me dit qu'on sait peu de choses sur monsieur Hoy et qu'on ne sait rien sur ses photographies et l'identité des gens qui ont défilé devant son appareil photo. Bref, je démissionne alors de mon emploi et je me lance dans la carrière enviable de chercheur en histoire de la photographie de la Colombie-Britannique.

Étrangement, une semaine après que j'aie vu ces images, monsieur Quackenbush me téléphone et m'informe que l'Association des musées canadiens et le ministère de Patrimoine canadien sont à la recherche de propositions pour un projet appelé " Projet de l'image canadienne ", créé pour stimuler de nouvelles recherches sur l'iconographie des différentes cultures ayant joué un rôle dans l'essor du pays. Mon projet tombait pile!

Ce qui suit alors, c'est environ trois ans de recherche sur l'histoire orale de ces images, sur l'identité des gens dans les images et sur le photographe lui-même. J'achète une camionnette FORD de 22 ans (une mauvaise idée) que je charge de copies des photos de Hoy pour retracer les gens qui sont assez vieux pour se souvenir de lui et des personnes dans les photos. Au départ, je concentre ma recherche à Barkerville, Wells et Quesnel où Hoy avait ouvert son studio de photographie et, plus tard, j'élargis ma recherche pour inclure des petits hameaux comme Alexandria, au sud de Quesnel, et beaucoup plus au sud et à l'ouest jusque dans la région de la rivière Chilcotin. Durant ces années, pour recueillir les histoires orales durant l'été, je défonce ma camionnette remplie de centaines de feuilles de papier couvertes de notes rapides et je dors à des arrêts routiers. À la fin, j'aurai interviewé plus de cent aînés des Premières Nations et des communautés chinoise et blanche. Ces entrevues sont conservées aux archives de Barkerville dans l'espoir que la recherche se poursuivra sur ces groupes qui ont vécu ensemble dans le district de Cariboo durant les premières années du XXe siècle.

J'en ai découvert beaucoup sur monsieur Hoy, mais voici, à mon avis, ce qu'il faut retenir. Hoy parlait trois langues - cantonais, anglais et le dialecte des Carriers du Centre. Il pouvait donc communiquer avec la majorité de sa clientèle. Hoy était le photographe professionnel d'une petite ville, c'est-à-dire que les gens le payaient pour faire prendre leurs photographies et, compte tenu du traitement photographique historique des peuples non européens, il est fascinant et important de comprendre que les gens dans ces images, par le simple fait de payer le photographe, étaient largement en contrôle de leur représentation. Ils ne portent pas de costumes, ils n'exécutent pas de rituels traditionnels au profit d'un public de race blanche - en fait, le seul rituel exécuté est celui que nous connaissons tous -, c'est-à-dire le désir et le geste d'avoir des photos de nous-mêmes, de nos familles et de nos amis afin de conserver, pour nous-mêmes et nos descendants, une image de ce que nous étions en un temps et en un lieu particuliers.

Merci beaucoup.

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